Aimer - connaître

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Photo de Guy Leroy

vendredi 13 novembre 2020

Réinitiation chrétienne

Ils sont nombreux celles et ceux qui ont été touchés par le coronavirus. Covid, virus, quarantaine, malade, symptômes, il me semble que je n'entends plus que ces mots résonner autour de moi... Peut-être suis-je conditionné, car ma femme et moi avons été touchés par la maladie durant la pause scolaire de fin octobre. Cette assignation à résidence nous a contraint de vivre une certaine réclusion… Moins pénible de supporter de légers symptômes que de ne pas pouvoir partir à vélo durant ce temps automnal de toute beauté…

Le virus, avec ses conséquences multiples et les mesures sanitaires qui accompagnent cette période plongent (Baptême ?) beaucoup de gens dans la souffrance, la psychose, l'angoisse, la pression, l’incertitude ou l'isolement. Surtout celles et ceux qui vivaient déjà ces difficultés auparavant mais aussi, de surcroît, les patronNEs de petites entreprises, les familles en détresse, les soignantEs sous pression, etc.

D’une certaine manière, la présence du virus a aussi pu être le vecteur d’une solidarité et d’une belle communion (Eucharistie ?) – dans l’immeuble, par téléphone ou sur le plan très local par exemple – et ce, bien au-delà de ce qu'une organisation, même religieuse, aurait pu induire... (1). Un virus qui nous met en communion, belle ironie ! A certains égards, de nombreux exemples montrent qu’il a même pu confirmer (Confirmation ?) la présence de liens préexistants entre des personnes et les renforcer.

Tout cela me donne à penser… Ne pourrait-on y voir une forme de réinitiation à la vie sociale que j’aime rapprocher de l’idée de « (ré)initiation chrétienne », du nom du cheminement proposé par l’Eglise et qui va du baptême à la confirmation ? Un chemin de conversion ? Un tremplin ? Dur de parler ainsi lorsque tant souffrent à nos portes ! Et pourtant, je le crois, cette situation (2), alliée à la grâce, a ce potentiel de transformation de nous-mêmes et de notre société.

Nous ne sommes pas égaux devant la maladie. Et au-delà des effets profonds, le virus crée aussi des fossés difficiles à refermer. Ils ne peuvent se refermer entre nous et au-dedans de nous que grâce à une compassion réelle qui se manifeste à travers une présence délicate et une proximité persévérante.

Testé « positif », une foule de questions affleurent. Je me suis immédiatement dit : « Je n’ai pas été assez prudent. J’espère n’avoir donné cette saleté à personne ! » Et le journal intérieur des contacts des derniers jours s’enclenche… Lorsqu'on n'est pas touché soit même dans sa chair, dans sa vie, on ne comprend pas. Je ne prétends pas comprendre mais, à travers cette expérience, j'ai pu ouvrir mon cœur à la réalité de vie de personnes que j’entrevois aujourd’hui sous un jour nouveau. J’accueille différemment les personnes en situation de détresse qui m’appellent ou se présentent au Prieuré de Martigny où j’ai mon bureau. N’est-ce pas là une « réinitiation chrétienne ? »

Au dixième jour de quarantaine, coupé des rythmes et activités habituels que j’affectionne, j’ai commencé à trouver le temps long… J’ai été « contraint de » et je ne suis pas vraiment entré dans une dynamique d’acceptation… C’est là que se niche une deuxième réflexion. Dans cette longueur de temps – plutôt une langueur – j’y vois un lieu crucial. Crucial en raison d’un phénomène de creux qui peut (je dis bien « peut ») paradoxalement être d’une fécondité exceptionnelle. A priori, je me laisserais facilement dire que ces moments sont stériles parce qu’ils sont secs et subis. Et apparemment c’est vrai ! Et alors, je suis comme happé. Je ne suis plus que l’ombre de moi-même. Je n’ai plus les cartes en main. Je suis comme dépossédé, vide….

Mais, n’est-ce pas souvent dans le sillage de ces moments douloureux que montent les abandons les plus féconds, les solitudes les plus habitées, les silences les plus puissants ou les cris les plus significatifs ? Je pense évidemment à Jésus au Calvaire…

Je crois que l’Amour montre son vrai visage dans ces moments-là, dans les creux, où il peut enfin se nicher et éclater à travers un cœur devenu de braise… Crises que beaucoup relisent si souvent comme des instants charnière, des zones de transformation, des lieux de bascules, des opportunités de dernière minute, des revirements insoupçonnés. Et pourquoi pas des parcours d’initiation chrétienne… Oui, mais que personne n’aimerait revivre !

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(1)     Je tire mes propos de situations tirées du sondage réalisé dans la partie francophone du Diocèse de Sion par le Service diocésain de Diaconie intitulé « Corona Expériences ».

(2)   En grec, on parle de « kaïros », c’est-à-dire de moment favorable à un changement profond et durable pour nous permettre parfois en claudiquant, d’aller vers le meilleur.

Crédit image : (C) Eglise catholique de Genève


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