Aimer - connaître

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Photo de Guy Leroy

mercredi 25 janvier 2012

La solitude, mon amie...

Source : http://www.add-chalonsenchampagne.fr
Incontournable ! – La solitude est une réalité humaine incontournable et vitale, féconde et souvent difficile à assumer. La solitude, c’est d’abord un vertige essentiel à la vie. Elle la secoue. Secousse fondamentale pour jaillir de l’ornière, échapper un à regard trop focal, commencer à refaire du neuf. La solitude est un défi pour moi-même. Je puis être bien accompagné, harnaché par la fraternité humaine, mais ne suis-je pas seul finalement à vivre ce qui m’est donné à vivre ?

Connais-toi toi-même. – Accepter et apprécier sa propre compagnie est un défi permanent. Rester seul nous contraint à nous apprivoiser, à nous regarder droit dans les yeux, à ne pas fuir dans n’importe quelle relation. Dame solitude nous conduit au connais-toi toi-même de Socrate. Cette solitude fondamentale aux abords si austères, n’a-t-elle pas, en fin de compte, un message joyeux à nous apporter ? N’aurait-on pas avantage de s’en faire une amie ? En réalité, la solitude a des visages divers : « Il n'y a pas deux temps pareils de solitude car on n'est jamais seul de la même façon », a pu dire Henri Bosco, écrivain français, un peu amusé…

Ambivalence. – Tour à tour compagne vitale et adversaire redoutable de tout être humain, la solitude reste une épreuve souvent délicate à vivre pour beaucoup d’entre nous. A ne la voir qu’habillée de noir, vous pourriez passer à côté des trésors inestimables qu’elle offre à qui veut bien l’écouter. Ne la voir que vêtue de blanc, c’est nier qu’elle fait souffrir de très nombreuses personnes. Comme tant de réalité, la solitude est ambivalente ; elle se présente sous divers auspices et les expériences des uns viennent enrichir celle des autres.

Seul, mais pas isolé. – Il est bon de sauvegarder notre capacité à rester seul, car, comme on sait, notre capacité à être bien seul est intimement liée à celle d’être bien ensemble. C’est ce qui a fait dire à l’écrivain russe Anton Tchekhov : « Si vous craignez la solitude, ne vous mariez pas ! » Ne confondons pas non plus solitude et isolement. Si la première peut être largement féconde, la seconde est clairement mortelle, car elle sectionne profondément notre capacité à nous lier et nous enferme (enfer !) en nous-mêmes jusque dans la folie. Pensons aux détenus mis en isolement trop longtemps, par exemple

Assumer pour aboutir. – Unique au monde, chacun d’entre nous doit pouvoir assumer une certaine solitude. En effet, chacun pourra rapprocher son jardin de celui d’autrui, il n’en reste pas moins que ce sera seul, finalement, qu’il faudra prendre les petits et les grands virages de la vie… jusqu’au dernier instant. La solitude mérite donc qu’on l’écoute, qu’on lui tienne tête, enfin qu’on en découse. 

Petite approche biblique

Le mot « seul-e » et « seulement » revient plus de 540 fois dans la Bible. Voici les principales orientations sémantiques et bibliques du terme solitude :

a. Les solitudes liées au désert comme dans le livre du Deutéronome (32, 10) : « Au pays du désert, il le trouve, dans la solitude lugubre de la steppe. Il l'entoure, il l'élève, il le garde comme la prunelle de son œil. »

b. Dieu dit qu’il va réduire la terre, le pays, la ville en solitudes c'est-à-dire les dépeupler, les rendre ces lieux inhabités et secs comme dans Jérémie (2, 15) : « Contre lui des lions ont rugi, poussé leur hurlement. Ils ont réduit sa terre en solitude, ses villes incendiées n'ont plus d'habitants. »

c. La mère restée seule fidèle au Seigneur comme dans le livre du prophète Baruch (4, 11-22) : « Que nul ne se réjouisse sur moi, veuve et délaissée d'un grand nombre ; je subis la solitude pour les péchés de mes enfants, car ils se sont détournés de la Loi de Dieu. (…) On emmena les fils chéris de la veuve, on la laissa toute seule, privée de ses filles. (…) Allez, mes enfants, allez votre chemin ! Moi, je reste délaissée, solitaire. (…) Car j'attends de l'Eternel votre salut, une joie m'est venue du Saint, pour la miséricorde qui bientôt vous arrivera de l'Eternel, votre Sauveur. »

d. Le solitaire est malheureux comme dans le Psaume 25 (16) : « Tourne-toi vers moi, pitié pour moi, solitaire et malheureux que je suis. » ; dans le Psaume 102 (8) : « Je veille et je gémis, comme l'oiseau solitaire sur le toit. » ou encore dans le livre d’Isaïe (63, 3) : « A la cuve j'ai foulé solitaire, et des gens de mon peuple pas un n'était avec moi. »

e. La communauté conjugale comme dans le passage fameux du livre de la Genèse (2, 18) : « Le Seigneur Dieu dit : "Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie." »

f. Seul au sens d’unique comme dans le livre de la Genèse (7, 1) : « Le Seigneur Dieu dit à Noé : "Entre dans l'arche, toi et toute ta famille, car je t'ai vu seul juste à mes yeux parmi cette génération. »

g. Seul au sens de l’unité individuelle.


h. Seul dans les moments cruciaux comme dans le livre de la Genèse (25, 32) : « Et Jacob resta seul. Et quelqu'un lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore. » ou dans la lettre de saint Paul aux Galates (6, 4-6) : « Que chacun examine sa propre conduite et alors il trouvera en soi seul et non dans les autres l'occasion de se glorifier ; car tout homme devra porter sa charge personnelle. »

i. Être ou rester seul comment dans le livre de la Genèse (42, 38) : « Mais il reprit : "Mon fils ne descendra pas avec vous : son frère est mort et il reste seul. »
   Ou comme dans le 1e livre des Rois (18, 22) : « Elie poursuivit : "Moi, je reste seul comme prophète de Yahve, et les prophètes de Baal sont 450. »
   Ou encore comme Jésus dans l’Evangile selon Matthieu (14, 23) : « Et quand il eut renvoyé les foules, il gravit la montagne, à l'écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul. »
   A la transfiguration (Mc 9, 2) : « Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène seuls, à l'écart, sur une haute montagne. »
   En Jn 6, 15 : « Alors Jésus, se rendant compte qu'ils allaient venir s'emparer de lui pour le faire roi, s'enfuit à nouveau dans la montagne, tout seul. »
   Ou enfin en Jn 12, 24 : En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit.

j. Ne pas être seul comme le Christ parlant de sa proximité avec le Père en Jn 16, 32 : « Voici venir l'heure – et elle est venue – où vous serez dispersés chacun de votre côté et me laisserez seul. Mais je ne suis pas seul : le Père est avec moi. »

Pascal Tornay

jeudi 5 janvier 2012

Le traditionalisme ou l’anti-dynamique de la vie

Toute idéologie, doctrine ou courant de pensée asservi à la recherche illusoire d’une quelconque pureté acquise de main d’homme est un lieu de souffrance, une insupportable crispation et une terrible fermeture à la puissance transformatrice (purificatrice, re-créatrice) de la vie au sens large du terme. Le traditionalisme est une option philosophique transversale, c'est-à-dire qu’elle se niche à différents niveaux dans le penser et l’agir politique, social, culturel et religieux.

Au sens strict, le traditionnel n’existe pas puisque tout ce qui vit ici bas est appelé à la mutation, à la transformation continuelle, voire à l’extinction, qu’on le veuille ou non. Si l’on veut de la solidité absolue, il ne faut pas la chercher dans la chair chez les hommes. Seules existent en réalité des habitudes sociales et des schémas de penser plus ou moins mortifères sur le long terme. En ce sens, le traditionalisme est une sorte de stratégie de blocage et de fixation des inévitables transformations existentielles. Pour prendre une autre image, on peut parler du traditionalisme comme d’une sorte de manière de mettre les bâtons dans les roues de la puissance (re)créatrice de la vie. Comme on le pressent, ce fixatif ne tient pas longtemps, car la puissance de la vie rappelle à tout instant sa souveraineté. Le traditionnel va tenir comme un barrage de sable que l’eau érode…

dimanche 1 janvier 2012

Vœux pour 2012 et nouvelles de Kinshasa (RDC)

Chers amis,

Dans le climat estival – il a fait plus de 30 degrés le 4 – et festif – le 1er janvier est plus célébré que Noël !? – de ce début d’année ici à Kinshasa, je vous adresse mes vœux de joie et de paix. Que le Seigneur Dieu ranime en chacun de vous la puissance de son Esprit de sagesse et d’intelligence, de conseil et de force, de connaissance et d’affection filiale. Qu’il vous enracine en Lui par sa Parole et son Eucharistie.

Arrivé à Kinshasa le 20 et retrouvé Colette qui devriendra ma femme tout prochainement, j’ai été accueilli par les Pères CPCR dans leur maison de Kintambo/Kinshasa où Colette et moi avons passé Noël dans une rare simplicité. Le Père Yves Bochatay nous a invité, le lendemain de Noël, le 26, dans la maison-mère de la Communauté à Kimwenza pour bénir et fêter nos fiançailles. Ce fut une belle et mémorable journée de joie avec tous nos amis du Congo et d’ailleurs.


Ici en R.D.C, les autochtones, s’ils veulent survivre, n’ont pas le choix. Ils sont contraints de faire du neuf avec du vieux, du très vieux, du cassé, du moulu... Si vous voyiez l’état des routes, des bus de transport en commun encore marqués de CH ou de D à l’arrière, du réseau d’égouts et d’électricité, les conditions d’hygiène catastrophiques, l’insalubrité des quartiers surtout à la saison des pluies où les eaux stagnantes sont le repaire des toutes les maladies possibles et je vous en passe ! Je suis ébahi de ce qu’ils arrivent encore à faire…

Faire du neuf avec du vieux ici, cela signifie survivre : inventer des solutions, retomber sur ses pieds par Dieu sait quel stratagème ; c’est aussi se débrouiller avec rien, 1 ou 2 dollars par jour pour 10 personnes ! C’est faire face. C’est trouver le chemin de demain dans un dédale de problèmes humains, sociaux, techniques, pratiques incroyables ! Faire du neuf, ici, c’est une question de vie ou de mort. Soit tu fais du neuf avec ce que tu as – et souvent avec ce que tu n’as pas – soit tu restes au bord de la route et tu crèves comme un chien. Alors, plus qu’un leitmotiv, « faire du neuf avec du vieux » ici à Kinshasa comme à tant d’autres endroits sur ce continent en souffrance, c’est un véritable mot d’ordre. Tirons-en les leçons, nous européens, malades des maux inverses. Passer d’Afrique en Europe, c’est en effet passer de l’anorexie à la boulimie… Difficile de dire lequel est le pire, car de sacrés défis sont posés de chaque côté de la Méditerrannée !

Pour ce qui est spirituel, le Seigneur exhorte à faire du neuf tout court. Ne dit-il pas : « A vin nouveau, outres neuves » ? Ce que propose le Seigneur est trop radical, trop grand, trop merveilleux pour être contenu dans nos vieilles outres. Tout éclaterait ! Laissons-nous donc transformé, régénéré par l’Esprit créateur pour que notre regard soit neuf tous les matins pour affronter l’existence, garder le cap du Ciel et nous ouvrir à l’invention d’un surprenant aujourd’hui !

Bonne et heureuse année 2012 à bâtir ensemble !
Avec mon amitié et mon cordial salut.

de Kinshasa (R.D.C), 
Pascal Tornay, animateur pastoral