Aimer - connaître

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Photo de Guy Leroy

vendredi 13 novembre 2020

L'année liturgique : un tandem en trois "rounds"

L’année liturgique est une merveille de sens ! Elle nous emmène du Ciel à la Terre et de la Terre au Ciel sans discontinuer. A partir de cet éternel va-et-vient – qui va du premier dimanche de l’Avent au dimanche du Christ-Roi – se dessinent deux cycles qui n’en forment, au fond, qu’un seul… puisque tout est lié ! Un « tandem » haut en couleurs…

Les temps de l’année liturgique ne seraient pas si visibles sans ces couleurs typiques arborées par les célébrants sur leurs vêtements à chaque messe et parfois sur le voile d’ambon (c’est-à-dire le tissu qui recouvre le pupitre de lecture par endroit). Les avez-vous remarquées ?

Violet, blanc, vert et rouge… Il se peut qu’on trouve encore parfois, au détour d’un dimanche, d’une fête mariale ou d’une sépulture, du doré, du rose, du bleu et du noir… Vous vous doutez que ces couleurs ont une signification. Allons-y dans l’ordre du temps liturgique ! D’abord le violet, un mélange de bleu (eau) et de rouge (sang). Il est utilisé durant l’Avent et le Carême ainsi que pour les sépultures, c’est-à-dire pour les temps de « suspense » et de deuil. Le blanc (ou doré) est utilisé pour marquer les jours de fête, notamment Noël et Pâques, ainsi que le temps qui suit. De même, on retrouve aussi le blanc (pureté, joie, fête) sur les aubes, les robes de mariées et le vêtement baptismal… Enfin le vert, symbole par excellence de la nature. On l’utilise durant le Temps ordinaire, qui n’est pas synonyme de banal, mais de temps de croissance et de mûrissement après le « suspense » et la fête… Cela fait donc un premier cycle de trois couleurs : violet, blanc, vert autour de Noël (Avent, Temps de Noël et Temps ordinaire) jusqu’au Carême. Avec le début du Carême un deuxième cycle démarre. Il est nettement plus long et centré sur la fête de Pâques (Carême, Temps pascal et Temps ordinaire)

On représente souvent l’année liturgique comme une spirale avec ces trois couleurs dominées par le vert. Pourquoi ? Parce que cette forme montre parfaitement le fait que c’est « toujours la même chose » et, qu’en même temps, ce n’est jamais pareil… Il en va de même dans nos vies : les mois et les saisons reviennent, mais nous les vivons toujours différemment.

Le rouge, signe du feu de l’amour, est porté notamment le Vendredi Saint, à la Pentecôte ou encore pour la fête des saints martyrs. Le noir des sépultures d’autrefois n’est plus guère porté. Le bleu fait parfois irruption dans les paroisses « équipées » à l’Assomption ou à l’Immaculée conception.

On ajoutera que, depuis le Concile Vatican II, l’Eglise universelle a enrichi ce double cycle en élargissant la « gamme » des textes bibliques proclamés durant les célébrations sur trois années nommées A, B et C avec un accent mis respectivement sur les évangiles selon saint Matthieu (A), selon saint Marc (B) et selon saint Luc (C). Pour sa part, l’évangile selon saint Jean est lu à certaines fêtes, tous les ans.

Un sacré « tandem » piloté par l’Esprit qui fait toutes choses nouvelles… Ainsi, au fil d’un double cycle annuel et à travers la « rumination » des Ecritures en trois « rounds », cette spirale montante jalonnée de fêtes que sont les Temps liturgiques – véritable chemin de conversion – nous ouvre en réalité à une autre dimension du temps. Ce n’est plus un fil qui se déroule infiniment, ce sont des opportunités pour aimer davantage. A nous de savoir les saisir…

Image : © LDD (Escalier bramante)
Escalier monumental, en colimaçon double hélicoïdal allégorique, des musées du Vatican à Rome, réalisé en 1932 par l'architecte italien Giuseppe Momo.

 

Réinitiation chrétienne

Ils sont nombreux celles et ceux qui ont été touchés par le coronavirus. Covid, virus, quarantaine, malade, symptômes, il me semble que je n'entends plus que ces mots résonner autour de moi... Peut-être suis-je conditionné, car ma femme et moi avons été touchés par la maladie durant la pause scolaire de fin octobre. Cette assignation à résidence nous a contraint de vivre une certaine réclusion… Moins pénible de supporter de légers symptômes que de ne pas pouvoir partir à vélo durant ce temps automnal de toute beauté…

Le virus, avec ses conséquences multiples et les mesures sanitaires qui accompagnent cette période plongent (Baptême ?) beaucoup de gens dans la souffrance, la psychose, l'angoisse, la pression, l’incertitude ou l'isolement. Surtout celles et ceux qui vivaient déjà ces difficultés auparavant mais aussi, de surcroît, les patronNEs de petites entreprises, les familles en détresse, les soignantEs sous pression, etc.

D’une certaine manière, la présence du virus a aussi pu être le vecteur d’une solidarité et d’une belle communion (Eucharistie ?) – dans l’immeuble, par téléphone ou sur le plan très local par exemple – et ce, bien au-delà de ce qu'une organisation, même religieuse, aurait pu induire... (1). Un virus qui nous met en communion, belle ironie ! A certains égards, de nombreux exemples montrent qu’il a même pu confirmer (Confirmation ?) la présence de liens préexistants entre des personnes et les renforcer.

Tout cela me donne à penser… Ne pourrait-on y voir une forme de réinitiation à la vie sociale que j’aime rapprocher de l’idée de « (ré)initiation chrétienne », du nom du cheminement proposé par l’Eglise et qui va du baptême à la confirmation ? Un chemin de conversion ? Un tremplin ? Dur de parler ainsi lorsque tant souffrent à nos portes ! Et pourtant, je le crois, cette situation (2), alliée à la grâce, a ce potentiel de transformation de nous-mêmes et de notre société.

Nous ne sommes pas égaux devant la maladie. Et au-delà des effets profonds, le virus crée aussi des fossés difficiles à refermer. Ils ne peuvent se refermer entre nous et au-dedans de nous que grâce à une compassion réelle qui se manifeste à travers une présence délicate et une proximité persévérante.

Testé « positif », une foule de questions affleurent. Je me suis immédiatement dit : « Je n’ai pas été assez prudent. J’espère n’avoir donné cette saleté à personne ! » Et le journal intérieur des contacts des derniers jours s’enclenche… Lorsqu'on n'est pas touché soit même dans sa chair, dans sa vie, on ne comprend pas. Je ne prétends pas comprendre mais, à travers cette expérience, j'ai pu ouvrir mon cœur à la réalité de vie de personnes que j’entrevois aujourd’hui sous un jour nouveau. J’accueille différemment les personnes en situation de détresse qui m’appellent ou se présentent au Prieuré de Martigny où j’ai mon bureau. N’est-ce pas là une « réinitiation chrétienne ? »

Au dixième jour de quarantaine, coupé des rythmes et activités habituels que j’affectionne, j’ai commencé à trouver le temps long… J’ai été « contraint de » et je ne suis pas vraiment entré dans une dynamique d’acceptation… C’est là que se niche une deuxième réflexion. Dans cette longueur de temps – plutôt une langueur – j’y vois un lieu crucial. Crucial en raison d’un phénomène de creux qui peut (je dis bien « peut ») paradoxalement être d’une fécondité exceptionnelle. A priori, je me laisserais facilement dire que ces moments sont stériles parce qu’ils sont secs et subis. Et apparemment c’est vrai ! Et alors, je suis comme happé. Je ne suis plus que l’ombre de moi-même. Je n’ai plus les cartes en main. Je suis comme dépossédé, vide….

Mais, n’est-ce pas souvent dans le sillage de ces moments douloureux que montent les abandons les plus féconds, les solitudes les plus habitées, les silences les plus puissants ou les cris les plus significatifs ? Je pense évidemment à Jésus au Calvaire…

Je crois que l’Amour montre son vrai visage dans ces moments-là, dans les creux, où il peut enfin se nicher et éclater à travers un cœur devenu de braise… Crises que beaucoup relisent si souvent comme des instants charnière, des zones de transformation, des lieux de bascules, des opportunités de dernière minute, des revirements insoupçonnés. Et pourquoi pas des parcours d’initiation chrétienne… Oui, mais que personne n’aimerait revivre !

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(1)     Je tire mes propos de situations tirées du sondage réalisé dans la partie francophone du Diocèse de Sion par le Service diocésain de Diaconie intitulé « Corona Expériences ».

(2)   En grec, on parle de « kaïros », c’est-à-dire de moment favorable à un changement profond et durable pour nous permettre parfois en claudiquant, d’aller vers le meilleur.

Crédit image : (C) Eglise catholique de Genève