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mardi 26 décembre 2023

Un couple chrétien, c’est une diaconie !

Un couple chrétien, c’est une diaconie !

Témoignage de Pascal et Colette Tornay, membre de l'END Fully 10 et membre de l’équipe du Secteur Valais, Suisse. (12-07-2022)

J’aime à dire que la diaconie n’est ni le monopole des Eglises, ni un dicastère paroissial. Elle jaillit tout simplement là où des cœurs disponibles se mettent au service des besoins d’autrui. En relisant notre vie conjugale, Colette et moi pouvons témoigner qu’un couple chrétien est un des hauts-lieux de la diaconie.

Avec Colette, originaire de Rép. dém. du Congo, théologienne, enseignante et couturière, nous découvrons chaque jour combien notre couple revêt cette couleur diaconale. Une couleur qui est, en réalité, un bouquet de fleurs. C’est souvent après coup que nous apercevons comment Dieu forge avec nous toujours plus profondément notre identité de couple marqué par la diaconie à travers des occasions concrètes de nous donner (ou pas !). C’est souvent à partir d’insatisfactions ou de moments de crise que nous avons été appelés et travaillés. Est-ce bien étonnant ?

Lors de nos fiançailles, nous avons choisi comme devise la parole de Josué (24, 15) : « Moi et ma Maison, nous servirons le Seigneur ». Nous constatons que Dieu n’est pas sourd parce qu’il nous a pris au mot et a ouvert différents chemins qui ont permis à notre devise d’être mise à l’épreuve.

Depuis le début de notre histoire en 2012, Colette et moi avons toujours été aux prises avec les problématiques sociales de son pays. Auparavant, elle dirigeait un Centre de formation pour les filles à Kinshasa. Puis, à la suite de son départ en Suisse et à notre mariage, nous avons reçu un appel de l’évêque de Mweka, son diocèse natal, et de son père en vue de fonder une action pour l’accès à l’eau potable. Ce partenariat socio-économique a pris une belle ampleur et porte toujours de multiples fruits à commencer par le dialogue régulier et parfois chaotique qu’il nourrit entre Colette et moi.

Nous n’avons pas pu avoir d’enfants et ce fut une épreuve difficile. Après avoir bien tergiversé, nous nous sommes dit que nous pourrions servir l’enfance autrement. Colette est devenue maman de jour puis, en 2017, nous nous sommes mis à disposition de l’Etat qui nous a agréés comme famille d’accueil. Depuis, nous avons accueillis deux garçons. C’est un lieu de défi, mais aussi de croissance intégrale.

L’atelier de couture de Colette est aussi un lieu de diaconie. Pour tant de clientes devenues amies, l’atelier a permis de rouvrir des espaces où déposer chagrins et fardeaux et, à travers le travail commun de création, de faire jaillir une paix et une joie nouvelles. Ces fruits, mûris autour de ses machines à coudre, ont donné envie à Colette de se former dans l’accompagnement des personnes endeuillées.

Pour ma part, à partir de profondes insatisfactions dans mon travail pastoral, j’ai commencé à me questionner au sujet du diaconat permanent. Ma femme, la première, puis l’Eglise qui est à Sion ont confirmé que cet appel du Seigneur était réel. J’ai alors demandé à être muté dans un autre Secteur pastoral et j’ai été ordonné en 2019. En 2020, j’ai lancé une pastorale de rue et j’ai développé des contacts avec des personnes en situation de précarité. Colette, qui a elle-même connu la grande précarité dans sa jeunesse, m’ouvre régulièrement des espaces de réflexion en écho avec ce que je vis en pastorale. Ces échos forgent un chemin où chacun de nous est mis en mouvement.

Bref, tous ces lieux où se concrétise notre devise conjugale sont pour nous des espaces souvent bouleversants qui nous empêchent de nous « installer » et où se creusent toujours plus notre relation conjugale et notre vocation diaconal. Nous en sommes les premiers témoins.

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Prière conjugale et couple en mission

Prière conjugale et couple en mission

Article publié dans le Magazine Equipes Notre-Dame Secteur Valais par Colette et Pascal Tornay (23-11-2020)

Après son séjour en Suisse en 2010, Colette m’avait prié de bien vouloir rejoindre à mon tour la Rép. dém. du Congo l’année suivante pour déployer ce qui était alors notre projet : un Centre de formation de base pour les femmes. Nous étions loin de nous douter de ce qui allait nous « tomber dessus ». Comme célibataire catholique, même si la question du sacerdoce a pu se poser, le cri le plus puissant que je n’ai jamais pu éteindre était celui du désir de la vie conjugale. J’ai prié des années durant pour Colette, sans savoir qu’elle serait mon épouse ! Je l’ai bénie et j’ai souvent demandé au Seigneur de trouver lui-même celle qui me serait assortie. En faisant naître l’amour entre nous, nous comprenons aujourd’hui que Dieu répondait à nos aspirations profondes (conjugales) en même temps qu’il nous proposait de nouvelles missions.

Notre amour est vraiment né dans une prière commune (mais l’inverse est vrai aussi). Le soir suivant mon arrivée à Kinshasa, j’ai vécu une forte et inexplicable crise d’angoisse. Cette crise m’a conduit tout droit dans les bras de Colette qui, comme moi, logeait dans une des chambres du couvent des Coopérateurs paroissiaux du Christ Roi (cpcr). Elle m’a pris sur son cœur. Elle m’a soutenu et consolé. Elle m’a entraîné jusqu’à la chapelle et nous nous sommes abandonnés entre les mains du Christ Roi dans une prière commune qui devait tenir moins de l’envolée lyrique que du gémissement. Il n’y avait rien d’autres à faire d’ailleurs car j’étais complètement perdu… Notre amour est né là dans l’angoisse et l’hébétude. Dieu a fondé notre amour, là : Colette et moi partageons cette étonnante certitude. Depuis lors, notre prière conjugale ne s’est jamais arrêtée. Elle refait surface alors que le silence a reparu dans notre maison et que, le soir venu, nous prenons ensemble, sur notre canapé, un chant, un texte, l’Evangile, l’office des vêpres ou des complies et que nous le mettons en écho avec nos difficultés, nos projets, le fait du jour, ou avec des situations délicates de personnes que nous portons…

Notre amour – nous en faisons l’expérience – est par essence missionnaire. Il est porté et déployé à travers une vie de prière parfois houleuse mais profonde. Nos différentes missions, reçues du Seigneur, se sont ainsi déployées à partir d’un désir premier dont le Seigneur lui-même est la source et que nous exprimons souvent à travers notre devise conjugale : « Moi et ma maison nous servirons le Seigneur » (Josué 24, 15). C’est dans le désir de servir toutes les réalités humaines qui sont à notre porte(ée), dans une prière quotidienne toute simple où nous présentons au Seigneur ce que nous avons vécu que se forge petit à petit nos départs en mission… La prière dilate nos cœurs, fait grandir notre joie et notre amour et excite notre désir de porter du fruit : un fruit qui à son tour donne sens et force à notre amour et suscite le besoin du Christ qui s’exprime dans la prière :
« Apprends-nous Seigneur, par ta grâce, comment te servir en servant les autres ».

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Boire et déboires au Kasai

Boire et déboires au Kasai

Article publié dans les cahiers de spiritualité franciscaine "Message" (12-2023)

L’association LIZIBA Suisse, dirigée par Colette et Pascal Tornay, est née en 2014 de l’appel conjoint du papa de Colette, Léonard, diacre de la communauté presbytérienne de Bulape et de l’évêque catholique de Mweka, feu Mgr Gérard Muluma Kalemba qui fut un ami de Colette. Œuvrer en Afrique, au Kasai en particulier – une région « oubliée » de la RDC  – n’est pas une sinécure tant les asymétries sont nombreuses, à commencer par les différences entre nos mentalités, nos cultures et nos rythmes sociaux, mais aussi par rapport aux moyens logistiques et techniques quasi-inexistants. Comment faire de ces obstacles des ponts ? Là est tout l’enjeu…

Dix ans ! Dix ans ont passé depuis que Colette et moi avons reçu cet appel. Un appel à travailler pour que toute une ville  puisse avoir accès à de l’eau potable… L’appel faisait suite aux déboires (déjà) de l’évêque qui n’était pas parvenu à ses fins et à la souffrance d’une population « oubliée » par l’Etat… Cet appel a retenti dans la foulée d’un projet plus ancien qui avait été ruiné par la folie d’un homme avide : un Centre pastoral et social que Colette a dirigé durant 10 ans (encore) à Kinshasa sous l’égide du Père Yves Bochatay, responsable des Coopérateurs paroissiaux du Christ Roi en RDC. C’est donc dire que LIZIBA Suisse a bien été bâtie sur les ruines d’une ancienne association… où quand les déboires des uns deviennent les sources vivifiantes des autres… « Boire et déboires » est une expression de Frère Marcel Durrer que je reprends ici avec ironie. Elle sied parfaitement à notre affaire, tant les deux aspects sont, en effet, inextricablement liés.

En 2014 donc, il nous restait un peu d’argent dans la caisse et nous nous demandions comment l’utiliser à bon escient. C’est ainsi qu’à ce fameux appel, présenté documents à l’appui par ledit évêque venu en personne à Vollèges, nous avions répondu « oui ». Nous avons alors fondé l’Association LIZIBA Suisse  avec Daniel Tornay, mon papa, comme président-fondateur. Le budget du projet qui visait l’aménagement de sources d’eau avoisinait les CHF 25'000, rien que le chiffre faisait peur. Nous avions convenu qu’il faudrait certainement plusieurs années pour parvenir à réaliser les travaux, sensibiliser des groupes de travail et former un comité pour suivre l’affaire. Par ailleurs, nous nous sommes dit qu’il fallait avant tout dire la vérité à nos donatrices et donateurs : l’ancien projet ayant été ruiné – pas spécialement par notre faute – mais il était ruiné. Nous avons donc mentionné cet état de fait dans nos informations tout en expliquant le nouvel objectif : « De l’eau potable pour tous ! » A notre grand étonnement, nous avons récolté davantage d’argent qu’auparavant. Ce qui fait qu’un peu plus d’an plus tard, les travaux étaient à peu près terminés pour la joie de toute et tous.

Ainsi une dizaine de sources naturelles ont été aménagées, en contrebas, aux périphéries de la ville. Pratique, rapide, propre et gratuit sans compter un taux de maladie hydrique en chute libre, selon les observations de l’hôpital local : sans conteste, le progrès était notoire.
Mais voilà… Quelques années plus tard, alors même qu’entre temps, nous avions suscité la création d’une association jumelle  avec les responsables de laquelle nous avons bâti un partenariat sur des valeurs communes , nous avons eu beaucoup de difficulté à faire respecter ces ouvrages. Nous avions clairement exprimé à nos amis que l’entretien et le suivi serait de leur ressort et que nous ne financerions pas de travaux d’entretien (nettoyage des alentours, consolidation des ouvrages, clôture, dégagement des canaux). Nous savions aussi que dans cette région au climat équatorial, les fortes pluies et l’érosion mettraient certainement à mal les constructions. Ce qui fut avéré.

Ce n’est pourtant ni par la nature, ni par nos amis que sont arrivées les déconvenues, mais de la population que nous souhaitions servir… Alors même que tout avait été conçu et réalisé sur place par des gens du cru, les sources sont devenues tout à la fois les terrains de jeu des enfants et les espaces de dispute des mamans. Les papas, eux, ne vont pas aux sources, ce n’est pas leur problème…
Les enfants – comment peut-on leur en vouloir – sont passés maîtres pour passer au-delà des clôtures (interdits) pour y jouer et… se soulager. Pour leur part, les mamans – déjà harassées par les soins aux enfants et les tâches ménagères pénibles – n’ont que faire de l’entretien de ces lieux et de leur propreté.
Ouvertes en permanence, sans surveillance et sans suivi, les lieux allaient rapidement devenir insalubres et les infrastructures s’abimer. Nous avons bien financé des travaux de rénovation, nos amis ont essayé de sensibiliser les gens par quartier, de nommer des responsables, de les « motiver » avec un peu d’argent. Rien à faire. Il semble qu’on ait tout essayé : aucune solution satisfaisante… Même payé, personne n’entend être moqué par ses semblables et être vu faisant le « sale boulot », parce que finalement, c’est de ça qu’il s’agit… Car le boulot en question est vu comme socialement honteux. Et ne parlez pas de bénévolat : ce mot existe-t-il d’ailleurs en tshiluba, la langue locale ? Alors que la plupart des gens manquent du nécessaire, comment passeraient-ils des heures à suer sans rien recevoir ?

Avec le projet suivant, la construction de grandes citernes, nous avions décidé de cesser de mettre l’eau à disposition gratuitement. Les citernes ont été mises sous le contrôle de l’association locale. Elles génèrent ainsi un revenu qui peut être réinvesti. Le service de l’eau a désormais un coût, minime, mais un coût, sauf pour les plus fragiles, les plus pauvres, les plus âgés : pour eux l’eau leur est servie et gratuite.

Le projet forage, commencé à la suite de notre voyage sur place en 2019, est toujours d’actualité malgré pas mal de déboires. Oh, il a aussi engendré beaucoup d’espoir ! Fini les interminables marches (1h30) jusqu’aux sources avec 30kg sur la tête ! De l’eau au cœur de la ville : on n’ose pas y croire, ou plutôt, on fait tout pour qu’on continue à y croire !   En 2020, nous étions à deux doigts de réussir, mais l’entreprise que nous avions engagée n’a pas honoré ses engagements parce qu’elle était… en faillite. Nous avions pourtant pris une quantité de dispositions, rencontré ses responsables, vu et analysé leurs réalisations, contactés des experts, etc. Nous n’avions cependant pas pensé analyser sa santé financière. Ainsi, nous avons perdu de l’argent, mais nous avons aussi récupérer des outils, une foreuse et… du savoir-faire. Ayant tiré les leçons (mieux vaut tard que jamais), nous préférerons dorénavant acquérir nos propres véhicules et outils et faire réaliser les travaux à notre équipe qui a entretemps reçu une formation et a gagné en expériences. Est-ce la bonne voie ? Nous y croyons…

Bref, dans ce genre d’aventure humaine bien plus que technique, vous le savez si vous en avez fait l’expérience, la liste des facteurs impondérables d’un côté comme de l’autre du rivage est infinie... On a beau bien se connaître, avoir discuté un nombre incalculable d’heures, avoir signé statuts et charte, tenter d’entrevoir ensemble toutes les zones grises, les déboires viendront encore d’un ailleurs que personne n’a su détecter ! Boire et déboires, c’est la même chanson ! Même si l’on met toutes les chances de son côté, la route est à faire à tâtons. « Faut-il désespérer ? », chantait Sardou ? Je ne crois pas, mais de deux choses l’une : soit on accepte les déboires comme une source, soit on boit… la tasse ! L’eau, c’est la vie, dit-on. J’ajoute que la chercher ensemble nous a tous fait grandir en sagesse et en force ! Ne serait-ce pas là que se trouve le vrai succès ?
Elle est rude cette succession d’insuccès apparents ! Mais, dans la patience et la persévérance, tout autant que dans les énervements et les découragements surmontés, dans la confiance mutuelle qui nous fait élargir notre regard, se tisse la trame d’un partenariat plus secret, plus intérieur qui gagne en profondeur, en vérité. Et sur ce chemin, la seule chose qu’on ne pourra pas nous ravir, c’est notre bonne volonté… Suffira-t-elle ?

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1.   www.liziba.org
2.   Les infrastructures ont été abimées (tuyaux de captage cassés) et les alentours sont insalubres.
3.   Les gens continuent de venir puiser à même le sol, juste à côté.
4.   D’interminables heures de discussions sont nécessaires pour établir une même vision du projet.
5.   On essaie de tirer à la même corde, malgré tout.

La suite ne vous appartient pas...

La suite ne vous appartient pas...

Témoignage donné à la paroisse de St-Maurice (01-04-2023)

Bonsoir. Je suis Pascal Tornay, diacre permanent ordonné en 2019 et en poste dans le Secteur pastoral de Martigny depuis 2017. Epoux de Colette, couturière originaire de Rép. dém. du Congo, nous vivons à Vollèges et sommes famille d’accueil pour des enfants qui nous sont confiés par les Services de l’Etat du Valais.

Comme toute vocation, comme la vôtre de laïc, de papa, de maman, de menuisier, d’infirmière – que sais-je encore – le diaconat est à vivre, à expérimenter. Je dirais davantage : il est à inventer avec audace dans l’aujourd’hui car, en fait, même l’Eglise et souvent les diacres eux-mêmes, personne ne sait vraiment à quoi il peut bien servir. A tout, autant qu’à rien et peut-être est-ce là notre plus grande chance ! Pour ma part, je suis devenu diacre à la suite de l’ouverture d’une porte. Une porte intérieure que j’ai rejointe à travers le temps : mûrissement silencieux. Le jour où je me suis approché sérieusement de la porte et que je l’ai entrouverte, j’ai été à la fois heureux et tiraillé. Heureux comme mis en mouvement par une forme de ministère qui allait dilater mon cœur, et tiraillé comme mis en travail, en gestation, mis en pétrissage comme une pâte fécondée. Après l’ouverture de la porte, j’ai questionné mon épouse à ce sujet : la confirmation est venue sans tarder : « Enfin, tu y es ! Maintenant va à Sion ! » Et les choses se sont enchaînées… Il faut dire que j’avais probablement déjà avant le « diacre au corps » !

J’avais vécu beaucoup d’années d’insatisfaction personnelle et de questionnement comme laïc en pastorale. Je sentais que je ne pouvais pas donner pleine mesure de ce que je portais et cela me peinait. A l’approche de mon ordination, j’ai vécu une période de troubles, comme des contractions. Cela s’est soldé par un accouchement joyeux et une vie diaconale passionnante : baptiser, célébrer des mariages, accompagner des adultes et des enfants notamment donne au ministère une dimension très forte, tout autant que de compagnoner mes discrets amis dans les rues de Martigny : je veux dire les personnes touchées par la précarité, la marginalité, la maladie, l’addiction : des difficultés variées tout autant qu’intenses. Se donner n’est pas toujours naturel, mais c’est source de joie, tout autant que d’accepter de recevoir d’eux, les dits « pauvres », une parole qui bâtit, qui oriente, qui encourage, parfois qui corrige.

Moi, j’ai été ordonné diacre, mais le prêtre est diacre et chacun de nous est diacre à sa manière. A chacun de vous de réveiller cette part du serviteur qui, peut-être, sommeille encore en vous ! Pour ma part, l’image de la porte est significative. J’en ai fait ma devise : « Me tenir sur le seuil pour inviter à passer à l’intérieur », vers cet au-dedans qui est le temple de l’Esprit, vers ce lieu caché – la matrice – où nous avons toujours rendez-vous avec nous-mêmes, où Dieu nous attends et d’où tout peut naître.

Contrairement à mes confrères qui généralement poursuivent leur travail professionnel habituel en étant diacre, pour ma part, je suis diacre « de profession », c’est-à-dire que je suis actif à plein temps en pastorale. Très concrètement, en paroisse, j’assume des tâches très diverses d’organisation, d’accompagnement, d’enseignement, de communication, de célébration et, par ailleurs, au niveau diocésain, l’évêque m’a demandé, avant même que d’être diacre, d’assumer la responsabilité du Service diocésain de Diaconie.

Il y a ce que je peux faire et qui me rend heureux. Il y a souvent aussi ce que je ne peux pas faire ou, mieux dit, les lieux où je suis impuissant, souvent face à des situations de détresse et où je refais l’expérience des mains vides. Je vois bien que le serviteur aux mains vides se reçoit mieux des autres. Il consent à son impuissance et en fait le lieu d’une fraternité plus authentique. Pour moi, c’est une expérience fondatrice. Elle me met dans une situation de fragilité, de pauvreté même, qui me renvoie à ma condition véritable et m’empêche de dominer. Le Seigneur, la veille de mourir, voulait montrer à ses amis comme être grand : en lavant les pieds de ses amis. Voilà, le Christ diacre. Petit avec les petits. A l’offertoire, j’aime présenter à l’autel tous les visages, toutes les situations que j’ai rencontré la semaine durant, comme une action de grâce. En liturgie, le diacre le plus souvent se tait. Ou plutôt, c’est en se taisant qu’il parle. La prière silencieuse, pour moi, c’est une manière de m’unir avec les plus rejetés, les plus isolés, ceux que personne n’écoute plus, ceux qui n’ont plus personne même pour les mépriser. Voilà bien la figure du diacre qu’il me plaît d’incarner, bien maladroitement.

Le diaconat n’est pas le monopole des diacres, c’est une forme de ministère qui, à sa façon, dit l’amour du Christ. Donc, qui que vous soyez, si vous entendez qu’on frappe à votre cœur, répondez : « Parle Seigneur, ta servante / ton serviteur écoute ! »… La suite ne vous appartient pas... 

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