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Photo de Guy Leroy

mardi 26 décembre 2023

La suite ne vous appartient pas...

La suite ne vous appartient pas...

Témoignage donné à la paroisse de St-Maurice (01-04-2023)

Bonsoir. Je suis Pascal Tornay, diacre permanent ordonné en 2019 et en poste dans le Secteur pastoral de Martigny depuis 2017. Epoux de Colette, couturière originaire de Rép. dém. du Congo, nous vivons à Vollèges et sommes famille d’accueil pour des enfants qui nous sont confiés par les Services de l’Etat du Valais.

Comme toute vocation, comme la vôtre de laïc, de papa, de maman, de menuisier, d’infirmière – que sais-je encore – le diaconat est à vivre, à expérimenter. Je dirais davantage : il est à inventer avec audace dans l’aujourd’hui car, en fait, même l’Eglise et souvent les diacres eux-mêmes, personne ne sait vraiment à quoi il peut bien servir. A tout, autant qu’à rien et peut-être est-ce là notre plus grande chance ! Pour ma part, je suis devenu diacre à la suite de l’ouverture d’une porte. Une porte intérieure que j’ai rejointe à travers le temps : mûrissement silencieux. Le jour où je me suis approché sérieusement de la porte et que je l’ai entrouverte, j’ai été à la fois heureux et tiraillé. Heureux comme mis en mouvement par une forme de ministère qui allait dilater mon cœur, et tiraillé comme mis en travail, en gestation, mis en pétrissage comme une pâte fécondée. Après l’ouverture de la porte, j’ai questionné mon épouse à ce sujet : la confirmation est venue sans tarder : « Enfin, tu y es ! Maintenant va à Sion ! » Et les choses se sont enchaînées… Il faut dire que j’avais probablement déjà avant le « diacre au corps » !

J’avais vécu beaucoup d’années d’insatisfaction personnelle et de questionnement comme laïc en pastorale. Je sentais que je ne pouvais pas donner pleine mesure de ce que je portais et cela me peinait. A l’approche de mon ordination, j’ai vécu une période de troubles, comme des contractions. Cela s’est soldé par un accouchement joyeux et une vie diaconale passionnante : baptiser, célébrer des mariages, accompagner des adultes et des enfants notamment donne au ministère une dimension très forte, tout autant que de compagnoner mes discrets amis dans les rues de Martigny : je veux dire les personnes touchées par la précarité, la marginalité, la maladie, l’addiction : des difficultés variées tout autant qu’intenses. Se donner n’est pas toujours naturel, mais c’est source de joie, tout autant que d’accepter de recevoir d’eux, les dits « pauvres », une parole qui bâtit, qui oriente, qui encourage, parfois qui corrige.

Moi, j’ai été ordonné diacre, mais le prêtre est diacre et chacun de nous est diacre à sa manière. A chacun de vous de réveiller cette part du serviteur qui, peut-être, sommeille encore en vous ! Pour ma part, l’image de la porte est significative. J’en ai fait ma devise : « Me tenir sur le seuil pour inviter à passer à l’intérieur », vers cet au-dedans qui est le temple de l’Esprit, vers ce lieu caché – la matrice – où nous avons toujours rendez-vous avec nous-mêmes, où Dieu nous attends et d’où tout peut naître.

Contrairement à mes confrères qui généralement poursuivent leur travail professionnel habituel en étant diacre, pour ma part, je suis diacre « de profession », c’est-à-dire que je suis actif à plein temps en pastorale. Très concrètement, en paroisse, j’assume des tâches très diverses d’organisation, d’accompagnement, d’enseignement, de communication, de célébration et, par ailleurs, au niveau diocésain, l’évêque m’a demandé, avant même que d’être diacre, d’assumer la responsabilité du Service diocésain de Diaconie.

Il y a ce que je peux faire et qui me rend heureux. Il y a souvent aussi ce que je ne peux pas faire ou, mieux dit, les lieux où je suis impuissant, souvent face à des situations de détresse et où je refais l’expérience des mains vides. Je vois bien que le serviteur aux mains vides se reçoit mieux des autres. Il consent à son impuissance et en fait le lieu d’une fraternité plus authentique. Pour moi, c’est une expérience fondatrice. Elle me met dans une situation de fragilité, de pauvreté même, qui me renvoie à ma condition véritable et m’empêche de dominer. Le Seigneur, la veille de mourir, voulait montrer à ses amis comme être grand : en lavant les pieds de ses amis. Voilà, le Christ diacre. Petit avec les petits. A l’offertoire, j’aime présenter à l’autel tous les visages, toutes les situations que j’ai rencontré la semaine durant, comme une action de grâce. En liturgie, le diacre le plus souvent se tait. Ou plutôt, c’est en se taisant qu’il parle. La prière silencieuse, pour moi, c’est une manière de m’unir avec les plus rejetés, les plus isolés, ceux que personne n’écoute plus, ceux qui n’ont plus personne même pour les mépriser. Voilà bien la figure du diacre qu’il me plaît d’incarner, bien maladroitement.

Le diaconat n’est pas le monopole des diacres, c’est une forme de ministère qui, à sa façon, dit l’amour du Christ. Donc, qui que vous soyez, si vous entendez qu’on frappe à votre cœur, répondez : « Parle Seigneur, ta servante / ton serviteur écoute ! »… La suite ne vous appartient pas... 

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