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Photo de Guy Leroy

mardi 26 décembre 2023

Le premier pauvre, c’est moi !

Le premier pauvre, c’est moi !

Lettre aux amis (30-05-2023)

Il y a plusieurs manières de se mettre au service des plus pauvres. Une première attitude possible, assez naturelle, est de répondre à leurs appels et à leurs besoins. Ce qui est a priori une chose excellente et nécessaire ! Le risque est là cependant d’appauvrir encore les partenaires en établissant des relations plus ou moins marchandes et d’en rester là. Ce qui engendre une asymétrie qui, finalement, empêche les personnes qui (se) donnent de se situer comme pouvant recevoir et celles qui reçoivent de s’apercevoir qu’elles peuvent (se) donner. Sans antidote, ce genre de charité est risquée, car elle coupe les protagonistes d’une des facettes de la réalité : Nous sommes tous des êtres fragiles et vulnérables et nous avons besoin d’autrui. La vulnérabilité – c’est-à-dire le danger de « manquer » de ce dont nous avons besoin pour vivre – est caractéristique de la vie humaine. Manquer du manque est pire encore, car il installe les personnes dans une suffisance étouffante. Ainsi, comme dit le diacre Gilles Rebêche, il s’agit d’éviter de « devenir la terre promise de l’autre », autrement dit de se situer uniquement dans ce rapport d’assistance.

Dans le contact avec mes frères et sœurs en grand manque, avant que de me prendre pour un « sauveur de pauvres », il m’a fallu faire l’expérience que le premier pauvre qui a besoin d’attention et d’écoute, c’est moi-même. Ne dit-on pas justement : « Charité bien ordonnée, commence par soi-même » ? Expérience faite, et ma manière de vivre la charité fraternelle s’en est ressentie. Il me semble être devenu davantage capable de vivre des relations libérées avec mes amis en situation de précarité. Je peux rester en lien profond avec eux en pouvant dire : « je ne peux pas » ou « je ne sais pas » alors que j’aurais pu être mal à l’aise auparavant dans cette situation. M’accueillir moi-même comme un petit pauvre, m’a donné, je crois, un surcroît de lumière sur qui je suis ; peut-être même un surcroît de joie d’être leur ami. Pour autant, le Christ est le seul qui parvient, d’une manière unique, à être à la fois pleinement le Maître de tous et l’Esclave de tous. Je suis à son école.

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