Ils
sont nombreux celles et ceux qui ont été touchés par le coronavirus. Covid,
virus, quarantaine, malade, symptômes, il me semble que je n'entends plus que
ces mots résonner autour de moi... Peut-être suis-je conditionné, car ma femme
et moi avons été touchés par la maladie durant la pause scolaire de fin octobre.
Cette assignation à résidence nous a contraint de vivre une certaine réclusion…
Moins pénible de supporter de légers symptômes que de ne pas pouvoir partir à
vélo durant ce temps automnal de toute beauté…
Le
virus, avec ses conséquences multiples et les mesures sanitaires qui
accompagnent cette période plongent (Baptême ?) beaucoup de gens
dans la souffrance, la psychose, l'angoisse, la pression, l’incertitude ou
l'isolement. Surtout celles et ceux qui vivaient déjà ces difficultés auparavant
mais aussi, de surcroît, les patronNEs de petites entreprises, les familles en
détresse, les soignantEs sous pression, etc.
D’une
certaine manière, la présence du virus a aussi pu être le vecteur d’une solidarité
et d’une belle communion (Eucharistie ?) – dans l’immeuble, par
téléphone ou sur le plan très local par exemple – et ce, bien au-delà de ce
qu'une organisation, même religieuse, aurait pu induire... (1). Un virus qui
nous met en communion, belle ironie ! A certains égards, de nombreux exemples
montrent qu’il a même pu confirmer (Confirmation ?) la présence de
liens préexistants entre des personnes et les renforcer.
Tout
cela me donne à penser… Ne pourrait-on y voir une forme de réinitiation
à la vie sociale que j’aime rapprocher de l’idée de « (ré)initiation
chrétienne », du nom du cheminement proposé par l’Eglise et qui va du
baptême à la confirmation ? Un chemin de conversion ? Un
tremplin ? Dur de parler ainsi lorsque tant souffrent à nos portes !
Et pourtant, je le crois, cette situation (2), alliée à la grâce, a ce
potentiel de transformation de nous-mêmes et de notre société.
Nous
ne sommes pas égaux devant la maladie. Et au-delà des effets profonds, le virus
crée aussi des fossés difficiles à refermer. Ils ne peuvent se refermer entre
nous et au-dedans de nous que grâce à une compassion réelle qui se manifeste à
travers une présence délicate et une proximité persévérante.
Testé
« positif », une foule de questions affleurent. Je me suis immédiatement
dit : « Je n’ai pas été assez prudent. J’espère n’avoir donné cette
saleté à personne ! » Et le journal intérieur des contacts des derniers
jours s’enclenche… Lorsqu'on n'est pas touché soit même dans sa chair, dans sa
vie, on ne comprend pas. Je ne prétends pas comprendre mais, à travers cette
expérience, j'ai pu ouvrir mon cœur à la réalité de vie de personnes que j’entrevois
aujourd’hui sous un jour nouveau. J’accueille différemment les personnes en
situation de détresse qui m’appellent ou se présentent au Prieuré de Martigny
où j’ai mon bureau. N’est-ce pas là une « réinitiation chrétienne ? »
Au
dixième jour de quarantaine, coupé des rythmes et activités habituels que
j’affectionne, j’ai commencé à trouver le temps long… J’ai été « contraint
de » et je ne suis pas vraiment entré dans une dynamique d’acceptation…
C’est là que se niche une deuxième réflexion. Dans cette longueur de temps – plutôt
une langueur – j’y vois un lieu crucial. Crucial en raison d’un phénomène de
creux qui peut (je dis bien « peut ») paradoxalement être d’une fécondité
exceptionnelle. A priori, je me laisserais facilement dire que ces moments sont
stériles parce qu’ils sont secs et subis. Et apparemment c’est vrai ! Et
alors, je suis comme happé. Je ne suis plus que l’ombre de moi-même. Je n’ai
plus les cartes en main. Je suis comme dépossédé, vide….
Mais,
n’est-ce pas souvent dans le sillage de ces moments douloureux que montent les abandons
les plus féconds, les solitudes les plus habitées, les silences les plus
puissants ou les cris les plus significatifs ? Je pense évidemment à Jésus
au Calvaire…
Je
crois que l’Amour montre son vrai visage dans ces moments-là, dans les creux,
où il peut enfin se nicher et éclater à travers un cœur devenu de braise…
Crises que beaucoup relisent si souvent comme des instants charnière, des zones
de transformation, des lieux de bascules, des opportunités de dernière minute,
des revirements insoupçonnés. Et pourquoi pas des parcours d’initiation
chrétienne… Oui, mais que personne n’aimerait revivre !
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(1) Je tire mes
propos de situations tirées du sondage réalisé dans la partie francophone du
Diocèse de Sion par le Service diocésain de Diaconie intitulé « Corona Expériences ».
(2) En grec, on parle
de « kaïros », c’est-à-dire de moment favorable à un changement profond
et durable pour nous permettre parfois en claudiquant, d’aller vers le
meilleur.
Crédit image : (C) Eglise catholique de Genève