Aimer - connaître

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Photo de Guy Leroy

dimanche 15 juin 2008

L'aventure d'un ministère assez particulier...

Bernard Miserez, directeur IFM
C'est fait ! Vendredi 13 juin à 16h, j'ai défendu mon travail final devant un jury composé de 5 personnes : les trois membres de la direction de l'IFM (Mme Berna Lopez et MM. Bernard Miserez et Jean-Claude Pariat, prêtres)ainsi que devant le Père Jean-Marc Sierro, prêtre spiritain et assistant à l'Université de Fribourg et M. Jacques Neirynck, conseiller national et professeur honoraire de l'EPFL. Qu'ils soient tous vivement remerciés.

Un travail de longue haleine, mais si passionnant qui m'a conduit à déplacer mon regard de l'extérieur vers l'intérieur. Ce fut donc un travail de réflexion à l'image d'un voyage dont l'origine et la destination sont les mêmes... mais dont le détour "exploratoire" et tâtonnant" valait le déplacement !

Il a pour sous-titre : Sens de l'engagement chrétien en politique, défis et enjeux pour aujourd'hui. J'ai le plaisir de vous le présenter de manière plus détaillée ici.
Jacques Neyrinck, expert

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Défense du travail de recherche en théologie pastorale à l’IFM, Fribourg – 13 juin 2008, 16h

« Elus chrétiens en politique
ou l’aventure d’un ministère assez particulier ! »

1. Aux fondements de ma passion : l’Homme avec son Dieu
Jean-Marc Sierro,
Conseiller d'étude
- L’interdisciplinarité me plaît ! Mettre en dialectique les disciplines de sciences humaines me permet d’enrichir mes perspectives.
- Lors dela rédaction de mon mémoire de licence, j’avais déjà pu faire dialoguer la science politique et théologie : je me réjouissais de faire résonner ces deux mondes à nouveau dans une perspective inverse.
- J’aime comprendre comment est possible le vivre-ensemble de l’Homme avec lui-même, car il nous dit quelque chose du vivre-ensemble avec Dieu : « mieux connaître c’est aimer davantage ».
- Titre : Je joue sur le mot « ministère ». Un lien fort entre le vocabulaire théologique et politique fait écho à l’importance du langage, de la parole dans les deux sphères. M. Claude Ruey a ainsi pu parler de la fonction d’élu comme d’un « ministère diaconal ».
- Sous-titre : Sens de l’engagement chrétien en politique, défis et enjeux pour aujourd’hui. La recherche desens est une source constante de motivation pour avancer dans la vie. A partir du sens, les défis et enjeux sont moins désespérant et source de dynamisme. Il faut donc commencer par la base.

2. L’infrastructure de la recherche...

2.1 Perspectives
- L’individu et non le système (≠ vision holiste ou systémique)
- Foi et action politique (élus) et non pas religion ou christianisme et politique.
- Le monde contemporain en Suisse romande (≠ relief historique)
- Découvrir des aspects généraux et structurels et non pas sur un contenu politique. Dresser une liste des savoir-faire « chrétien » ou d’exigences morales = largement insuffisant.

2.2 Questions initiales

Comment interfèrent la foi et l’action politique ? Où se jouent les influences de l’une sur l’autre ? Sur quelles motivations repose l’engagement des élus chrétiens ? Quelles sont les tensions à vivre entre les exigences de la foi et de la vie politique ? Comment à la fois ne pas perdre la cohérence de son action et respecter ses convictions et aspirations profondes ? Quelles sont les lignes rouges ? Quels sont les enjeux pour le monde actuel ? Est-il possible de témoigner par sa vie en étant un élu chrétien ?

2.3 Hypothèse-cadre
L’ordre politique, démocratique et libéral actuel en Suisse romande n’est pas – ou beaucoup moins qu’autrefois – en correspondance avec les valeurs de l’Evangile et que, dans ce contexte, les élus chrétiens ont plus de peine à faire passer un témoignage significatif dans leurs décisions et leurs actions.

2.4 Hypothèse centrale

Pour féconder l’ordre politique de ce que le message évangélique peut offrir de plus beau et de plus solide, l’élu chrétien va devoir affronter différents paradoxes et tenir ensemble des réalités a priori difficilement compatibles : convictions personnelles et actions politiques; fidélité à des idéaux, au message évangélique et à des objectifs pragmatiques; exigences élevées de la charité et possibilités concrètes d’agir… Le politique étant le lieu du compromis, il s’agit pour le chrétien engagé dans le monde politique de maintenir le plus faible écart possible entre, d’un côté, sa conscience chrétienne et, de l’autre, les exigences propres de l’arène du jeu politique. A priori : je m’attendais à rencontrer de grands écarts et des difficultés importantes.

2.5 Principaux axes de la recherche
Mon fil rouge est un réseau de 5 hypothèses dont la première est le centre et a dernière le cadre. Toutes ces hypothèses tournent autour de trois pôles. Ces pôles m’ont permis de rester centré : Sens – défis – enjeux.

a. Sens
= comme source : attachement au Christ et à sa Parole (message évangélique) – nature humaine sociale – notion de « peuple » et orientation : le vivre-ensemble selon les paroles de Jésus. A priori : Les élus chrétiens trouvent le sens de leur engagement selon ce point de vue.

b. Défis = gestion des tensions institutionnelles et personnelles (exigences du message évangélique – ses valeurs – les exigences de l’instance politique ou du parti – Doctrine des Eglises) – A priori : les tensions et contradictions sont régulières et plutôt fortes. Le défi consiste à accepter de se tenir dans ce champ de tension et tenter de surpasser.

c. Enjeux = le « tenir-ensemble » (foi langage/action : exigences/valeurs : exigences évangéliques politiques – l’unité personnelle – la cohérence – la vérité avec soi-même – le témoignage. A priori : Les pratiques actuelles des élus chrétiens se bornent plus au respect d’une conformité à une idéologie teintée de valeurs chrétiennes ou tout au moins humanistes (justice, solidarité, respect de la vie, éthique politique, professionnelle et sociale) que par la volonté explicite de donner un témoignage d’une vie personnelle et politique en cohérence avec leur foi.

2.6 But de la réflexion

S’interroger et faire s’interroger les politiques sur leur « être chrétien » en politique. Cet « être chrétien » à besoin d’être questionné et nourri pour qu’il trouve sa place dans l’action politique et porte vraiment du fruit.

3. Quatre approches : forces et limites


Quatre approches qui éclairent ma problématique à leur manière : 1. Les textes bibliques, 2. le Magistère, 3. la théologie politique, 4. l’enquête et l’analyse sociologique. Les trois premiers = affinage d’une conception de l’élu chrétien, puis enquête de terrain a joué comme élément de comparaison pratique.

3.1 Bible
But : Le message biblique donne le TON pour fonder mon approche. Ce sont douze textes pour tenter d’élargir mon champ de vision avec des appuis théologique pour éviter les projections.

3.2 Magistère

But : compléter avec des éléments de réflexion pontificaux, épiscopaux (F) modernes dénotant ouverture et réalisme. Dangers : oublier la réalité et les exigences du monde politique.

3.3 Théologie politique

But : importance de prendre en compte la réalité politique du quotidien pour fonder une réflexion proprement pastorale et non pas théorique. Prendre en compte les nécessités et les difficultés de l’action politique dans l’optique de la théologie.

3.4 Enquête sociologique
Très bonnes synergies et complémentarité entre recherche qualitative et quantitative. Les entretiens approfondis d’une 1,5 heure en moyenne donnent une très bonne idée de ce qui se passe dans le for intérieur de la personne.

5. Regards neufs : pour un « être chrétien en politique »

5.1 Le dialectique intérieure
Foi (plan métaphysique) vs valeurs (plan moral) vs action politique (plan politique) = chaque plan devrait être distingué et mis en dialogue de manière permanente (dialectique). C'est une sorte de « checks and balances », des apports mutuels et vivifiants. Fonction critique du message évangélique, de la doctrine sociale des Eglises.

A partir de cela : Le message évangélique, la doctrine des Eglises, la raison humaine INFORMENT les valeurs ; les valeurs SONT TRADUITES en action politique (langage-action). Cela se passe à l’intérieur du cœur de l’individu et se qui est converti, c’est le REGARD, donc la PAROLE, donc l’ACTION...

- Enjeux personnels = Tout doit tenir ensemble. – Enjeux institutionnels = pluralisme, ordre moral, justice, paix, avenir du « vivre-ensemble ».

- Sens = Il jaillit de la cohérence durable entre ces plans et la capacité à traduire cette cohérence dans l’agir politique

- Défis = Cette unité doit servir à la fois l’épanouissement de l’élu chrétien et le dynamisme de son action politique = courage d’affirmer ses convictions, témoignage par sa vie, possibilité de se distancier si nécessaire, positions et actions réalistes et prophétiques, (...).

Gestion des tensions dans les moments de crise vérifie sous l’emprise de quel maître s’est choisi l’élu chrétien ! Défis ultimes : Vivre-ensemble dans la justice et la paix. Service des réalités matérielles et du bien commun.

5.2 Les tensions comme signe de vie et de justesse

Eléments fondateurs de cette capacité à rester en tension :
- Cultiver sa liberté intérieure et une éthique du verbe (du dialogue) ;
- Rester attacher au Verbe dans le triptyque : Parle, Seigneur, ton j’ai à mon tour une je médite (Lc 2, 19) serviteur écoute (I S 3, 9) parole (Sg 6, 1-11) ;
- Accepter de vivre la foi comme un élément ambivalent à la fois apaisant et dynamique ;
- Accepter et voir les tensions comme un signe de vie, un moteur, un élément qui appelle au dépassement et à la croissance. Accepter d’entrer dans le champ de tension, c’est s’ouvrir à un avenir libéré ;
- Accepter d’écouter et donc de devoir apprendre toujours et encore (de soi, des autres, des Eglises, de Dieu,...) ;

5.3 Les pièges

- Intransigeance au nom de la foi ;
- Vouloir faire une politique chrétienne - tyrannie des valeurs chrétienne = plus de tensions dynamique ;
- Conceptions relativistes du monde et de l’homme ;
- Réduction du champ de vision par l’enfermement idéologique ;
- La fin ne justifie pas les moyens ;
- (...)

6. Originalités de ce travail


- Avoir dépassé la l’établissement d’une liste de critères ou de qualité morales dont il faudrait se prévaloir ;
- Avoir dépassé la réflexion sur tel ou tel contenu politique, mais développer une « méta-réflexion » sur l’action chrétienne en politique ;
- Avoir montré l’importance du regard et de la parole à la fois en théologie et en politique. Le regard et la parole, en effet, fécondent le dynamisme intérieur de l’être humain et rejaillit dans tout ce qu’il fait ;
- Avoir montré qu’il est illusoire d’être totalement autonome ou de vouloir défendre une position chrétienne. Le « vivre-ensemble » se fait ensemble... justement ;

- Avoir montré combien est importante que l’élu chrétien soit responsable en pointant du doigt le lieu-pivot où se fait l’interférence entre foi et action politique. A eux de se maintenir en tension en restant attaché au Verbe ;

- Avoir pointé du doigt que l’élu chrétien doit accepter de travailler constamment au cœur d’un champ de tension multipolaire à tous les niveaux. C’est là que se trouve la Source même de la créativité, du courage, de l’honnêteté, etc.

Pascal Tornay

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