Aimer - connaître

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Photo de Guy Leroy

mardi 4 mars 2008

De l'essentiel ! (Suite et fin)

Branson-Fully, Vallée du Rhône (VS)
Continuons notre réflexion... Je ne peux plus aller plus loin sans parler maintenant d’un sentiment essentiel, une notion capitale : l’amour. Tu as sûrement déjà pris conscience de l’importance de l’amour dans nos relations avec les autres. Sans amour, il n’y a rien qui vaille. L’amour est à ce point essentiel qu’il instaure entre les hommes un climat favorable à l’échange de paroles, de sentiments, de relations de confiance qui nous met tous en interdépendance. C’est l’amour qui fait que notre monde imparfait est vivable et viable – si tu en sens la nuance. L’homme, même s’il est imparfait, ne peut se passer d’amour qu’il soit croyant ou non. Aimer et surtout être aimer est une condition sine qua non à l’existence d’un être humain. Imagine n’être plus aimée : à quoi bon vivre si tu n’es plus écouté, respecté, toléré ? Mais pouvons-nous aimer authentiquement ? Notre amour est-il toujours vrai, pur, simple et gratuit ? Non, bien sûr que non, car si nous aimions ainsi, nous serions Dieu. Seul Dieu est capable d’un tel Amour.


Qu’est-ce que l’Amour ? Qu’entends-je par « Amour » ? Dans ce cas précis, ce n’est plus un sentiment, c’est un choix fou pour une personne, indépendamment du bien ou du mal qu’elle peut faire. C’est un engagement absolu, résolu, libre et volontaire. L’amour est un thème récurrent de la littérature, des arts, du cinéma, de la musique depuis toujours. L’homme est obnubilé par l’amour. L’homme l’a analysé, décortiqué, écrit, chanté, joué... Ce sentiment – car il est aussi un sentiment – puissant capable de relier les gens entre eux, capable d’apporter à tout homme ce qu’il recherche fondamentalement : le bonheur durable (auquel cas l’amour est un choix !) si possible. L’amour est discret, contrairement à la haine. L’amour est tolérant, contrairement à l’égoïsme. L’amour (le vrai) est gratuit, contrairement à l’hypocrisie.


Par Amour, on peut entendre, l’amour d’un homme et d’une femme, mais ce n’est pas un monopole. Il y a l’amour des parents pour leurs enfants et vice versa, l’amour entre ami(e)s, le respect des idées des gens, la tolérance envers autrui, l’humilité, la simplicité, sont aussi des sentiments fils de l’amour. Ce sont toutes des qualités qui font grandir l’être et qui lui font comprendre qu’il vaut bien plus que tout ce que le monde peut offrir de satisfactions matérielles. Encombré que nous sommes de nos biens, pouvons-nous vraiment avancer au large ? C’est alors que, mystérieusement, les périodes de désert (crises, maladies, chômage et j’en passe) nous ramènent parfois à l’essentiel...

On estime parfois qu’une personne fait preuve de caractère lorsqu’elle est bien campée sur ses positions, ses certitudes, son expérience. Je crois plutôt que la force de caractère, la force d’admettre nos erreurs, l’humilité de prendre un autre chemin, de pouvoir changer d’idée, d’opinion, de vision des choses pour comprendre le monde vu des yeux de l’autres sont des signes d’une force de caractère encore bien plus grande. La capacité de dire « je ne sais pas », d’admettre que l’on ne peut pas tout savoir, que l’on est des êtres limités donne à la personne qui en est capable une qualité sociale extraordinaire. En effet, rien n’est plus pénible de discuter avec une personne qui sait tout et qui a tout vu et tout vécu. Personne ne me contredira. Prendre conscience de sa propre faiblesse est un don de Dieu qui nous ramène à notre propre dimension, qui annihile un peu de notre orgueil et nous ouvre à l’autre. L’humilité est la prémisse de l’amour.
Le Grand-Combin (4317 m.)
vu du Mont-Fort, Val de Bagnes (VS)

L’amour authentique, total et gratuit n’est pas humainement atteignable. Le but n’étant bien sûr pas de l’atteindre mais de l’approcher le plus possible. On voit tout de suite des obstacles se profiler à l’horizon. Comment aimer ? Car il ne suffit pas d’aimer ses amis, que ferait-on alors d ‘extraordinaire ? Il faudrait aussi et surtout parvenir à respecter au moins la dignité de nos ennemis. Il faut pour cela une grandeur d’âme exceptionnelle qu’on nomme l’humilité. Puisque le premier et principal obstacle à l’amour, c’est l’orgueil.


Prenons un exemple simple. Le fait qu’une armée fasse la guerre avec une autre armée d’une autre nation, le fait de se disputer n’est rien d’autre que l’expression tangible de l’orgueil de l’homme qui veut imposer par la force sa vision des choses et dominer l’autre peut aller jusqu’à le faire disparaître. Un autre exemple : il y avait un jour un couple marié avec trois enfants en bas âge. Le mari et sa femme avaient des avis divergents sur la façon d’élever leurs enfants. La divergence se transforma en dispute de plus en plus cinglante. Le mari parvenait à dominer sa femme et elle en devenait très malheureuse. A chaque fois que cette discussion revenait, elle tournait mal. L’objectif de la dispute, après un certain temps, avait sournoisement dévié. Elle ne reposait plus sur la question de comment élever nos enfants le mieux possible, qu’est-ce qui serait le mieux pour eux ? Elle avait pour but de savoir qui aurait raison ? Qui aurait le dessus ? Je pense que la plupart des disputes ont une origine dans une vraie question. Les disputes sont un signe de liens entre les gens, un signe de vie. Les morts ne sont pas en crise... Mais attention, il faut une incroyable humilité pour que cette dispute, cette divergence entre les idées de deux personnes puisse faire grandir les deux partenaires et la transformer en un enseignement, un résultat positif pour les deux parties. Et c’est là que l’humilité joue son plus grand rôle. Une dispute ne devrait jamais être une défaite, car la défait fait mal, blesse. Si le jeu est à qui perd gagne, il n’en vaut pas la chandelle. A nouveau, accepter et vivre le dialogue, et/ou le cas échéant, reconnaître sa faute demande une force de caractère, une humilité de cœur incroyablement plus grande que le fait de pouvoir jubiler après avoir réussi à écraser l’adversaire. Les guerres de ce monde, les tensions entre les nations, les peuples sont-ils pas issus de cet écueil ? L’orgueil au sens large est la source de tous les maux. Il est si subtil et si sournois, qu’il est quasiment impossible à l’extirper. Est-il si difficile de dire qu’on a eu tort ? Effectivement, il est extrêmement douloureux de s’apercevoir de son propre orgueil. Mais c’est une expérience indicible qui fait grandir l’homme dans la foi et qui lui fait voir différemment le monde qui l’entoure. Il est inutile de chercher plus loin l’origine de notre monde fou, où les hommes vivent de plus en plus concentrés dans des villes, où ils sont de plus en plus seuls. La téléphonie mobile est un symbole
révélateur, ô combien, de cette solitude extrême. On sous-estime énormément les conséquences désastreuses qu’ont à long terme et sur une grande échelle ce que l’on pourrait appeler l’endoctrinement
audio-visuel. Nous qui sommes tous en devenir, nous devenons ce que nous voyons, nous intériorisons ce que nous entendons. Imaginons les dégâts d’une société éduquée dans un prêt à penser au service de l’économie et de la mode du moment ! Que seront capables de donner nos enfants à leur descendance ? Un monde pré-pensé ? Des comportements pré-digérés ? Ainsi, les hommes ont de plus en plus besoin de psychiatres et de psychologues pour pouvoir faire silence dans leur vie et remettre l’essentiel à la place qu’il mérite. Il y a en nous plus que nous-mêmes, quand notre machine infernale s’arrête, on découvre alors... l’essentiel : ce qui fait de nous des êtres debout en liberté et en responsabilité.

Pascal Tornay

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